Vêtue d’un haut noir, d’une robe rouge sang, portant des chaussures claquant sur le sol annonçant à mon arrivée, je m’avance l’air fier sous le regard de toutes ses personnes réunies ici pour soi-disant m’assister. Non ils ne sont là que par curiosité, des rapaces se nourrissant de l’infortune des autres. Je rejoins l’homme payé par mon père pour me défendre. Je hais son sourire de fausse compréhension. Je hais cette main froide et blanche qu’il me tend. Que j’aimerais tant la briser cette main pour ne plus avoir à supporter sa soi-disant blancheur. Il parait que nos mains sont différentes : la mienne est rouge, la sienne est de la couleur de la colombe. Mais c’est une fausse couleur qui cache la vraie : le noir de son âme qui se reput lui aussi de mon sort. Grâce à des gens tels que moi, il mange, a une belle maison.
- J’ai confiance, mademoiselle, nous allons gagner me dit il
Un petit sourire effleure mes lèvres comme j’ai envie de lui répliquer qu’il s’en fiche de mon sort. Tout à l’heure lorsque celui-ci sera scellé, lui, il rentrera rejoindre la chaleur de son foyer, mettre les pieds sous la table à se faire servir par sa femme. Je le déteste et il ne s’en doute même pas. Je lève les yeux vers les autres assis à mon côté droit. 12 personnes dont les yeux se veulent aussi opaque qu’une boite de carton. 12 personnes qui me dévisagent de la tête aux pieds. Parmi elle, une petite bonne femme, sûrement une bonne mère de famille s’est déjà faite une idée sur ma personne. Elle veut déjà convaincre les onze restants de ma culpabilité. Presser de rentrez chez elle pour nourrir son stupide chat. Hein ? Non je ne sais pas si elle a un chat mais je pense qu’elle doit en avoir un… Un beau chat bien gros, super cher comme la veste qu’elle affiche non sans vantardise. Je hais cette femme qui me rappelle ma mère.
Coup de marteau.
- Accusée levez vous.
Et si je reste assise ? Que vas-tu faire ? Toi qui trône devant moi. Et le voilà qui balance d’une voix trainante la raison de ma présence ici.
- Vous êtes accusée de matricide. Que plaidez-vous ?
Preuves accablantes dira-t-il avant. Alors on s’attend à ce que je réponde par un
- Coupable, votre honneur…
Mais à l’inverse, mes lèvres disent d’un ton assuré, relevant la tête pour plonger mes yeux dans les yeux de l’homme.
- Non coupable.
Murmures de désapprobation. Cri de la famille de la victime dont je ne fais plus partie. Et puis je rajoute :
- Non coupable d’avoir aimé sa mère…
Et le juge me regarde. Regard compatissant. Regard se voulant compréhensif mais en même temps on voit la tristesse dans ses yeux. Que veut-il que je mente ? que je dise que j’aimais maman. Et puis son regard change pour devenir désapprobateur révélant toute la vérité de ses pensées. Lui aussi, m’a déjà jugé.
Ce que j’aimerais leur dire c’est : de quel droit osez-vous me juger vous qui ne connaissait rien de ma vie ? bien sûr, vous avez lu le dossier de l’affaire… Bien sûr, tout est écrit : du noir sur du blanc. Mais ma vie ne se résume-t-elle qu’au sang que j’ai versé ? Ma vie ne tient elle qu’en quelques paragraphes ne rendant pas compte de la complexité de ma vie ?
Maman, elle dont tout le monde dépeint comme gentille, affectueuse, drôle, bonne mère , bonne épouse, savent-ils que maman lorsque papa n’était pas là se glissait dans ma chambre pour me souiller ? Non ils n’en sauront rien… On ne m’a pas écouté lorsque je l’ai dit. Les faits remontent à trop loin… Pour moi, c’était trop tard… Mais pas pour toi, ma sœur qui me regarde avec haine dans les yeux. Ma sœur qui ne se rendait même pas compte que sa beauté grandissante attirait de plus en plus maman. J’ai vu le regard de maman poser sur elle… J’ai compris…
Déteste moi ma sœur ainsi le secret ne sera jamais révélé…
FIN.