Voilà ma critique de Battle Royale, elle date du 15 janvier 2007 ^^. Je dois également signaler qu'elle a été reprise pour le site
UTOPIE24- Battle Royale (présentation disponible sur mon blog)
Battle Royale... Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce roman est d'une grande richesse. On pourrait disserter dessus des heures durant ; la masse de tout ce que l'on peut en tirer est telle que depuis la première fois depuis que je tiens ce blog, j'ai dû me résoudre à faire un plan avant de composer mon texte...
Tout d'abord,
Battle Royale est un roman particulièrement épais. 567 pages, imprimées avec une police d'écriture équivalente à celle d'un livre de poche. Là où un roman compte habituellement une trentaine de lignes par page avec une moyenne de 9 mots par ligne,
Battle Royale compte pas moins de 42 lignes par page avec une moyenne de 12 mots par ligne... Faites le calcul.
L'intrigue prend place dans un présent alternatif, où le Japon fait place à la République de Grande Asie, un pays totalitaire et fasciste. Il existe un jeu d'une grande cruauté, appelé « Battle Royale », appliqué, soi-disant, pour récolter des données et des statistiques indispensables à l'armée. Les règles en sont simples : on prend une classe, on la pose sur une île, en lui donnant une unique consigne à atteindre : entretuez-vous jusqu'au dernier ; le vainqueur aura la vie sauve et sera protégé par l'Etat jusqu'à la fin de ses jours...
Et voilà, l'impensable est arrivé à la 3ème B du collège principal Shiroiwa (département de Kagakawa) : elle a été désignée pour participer au Programme. Alors qu'ils partent en voyage scolaire, les 42 étudiants sont endormis par gaz et transportés sur une île. Là, on leur explique les règles, on leur distribue des armes au hasard et on les lâche. Ils sont prévenus : impossible de s'échapper. L'île est surveillée, et les colliers qu'ils portent au cou les renseignent sur leurs moindres déplacements. S'ils quittent l'île ou s'approchent de l'école où se terrent les dirigeants, le collier explose, emportant la tête au passage. Si personne ne meurt pendant 24h, tout le monde sera tué. Et toutes les deux heures, des zones deviennent interdites, forçant les participants à rester toujours en mouvement, et provoquant d'inéluctables rencontres.
Dans cette situation extrême de survie, les mentalités explosent, les vraies natures se révèlent. Certains mauvais se révèlent encore plus mauvais, certains gentils encore plus gentils ; mais certains mauvais révèlent un bon fond inattendu, tandis que d'autres, bons en apparence, laissent tomber leur masque et dévoilent leur personnalité profonde, pas toujours aussi reluisante que le déguisement.
Les amitiés, les confiances, les amours, tout est remis en question. A qui faire confiance ? Qui accepterait de nous faire confiance ? Les camarades avec qui l'on riait avec insouciance, la veille encore, sont-ils désormais des ennemis potentiels ? Qui refuse le jeu ? Et qui l'accepte ?
Certains élèves décident de faire cavalier seul, d'autres de se réunir en bandes. Mais la confiance est fragile : le moindre incident, et le doute s'insinue, la panique se répand et c'est la tragédie...
De plus, dans de telles conditions, la peur prend le dessus. Certains gardent la tête froide, d'autres paniquent littéralement, ce qui les pousse fatalement à jouer le jeu en se défendant contre tout ce qui bouge. Certains vont céder dans la folie, dans les délires mystiques...
Koushun Takami développe un talent hors-pair dans l'écriture. Les protagonistes sont nombreux, l'intrigue est divisée d'autant, même si elle se centre principalement sur Shûya Nanahara et ses compagnons ; pourtant, on ne perd jamais le fil, on alterne habilement les élèves et les phases d'action.
Au tout début du roman, l'auteur soigne son introduction en commençant par le monologue d'un fan de catch, expliquant à un camarade illusoire le principe de la "Battle Royale". Puis, on a droit à une lettre officielle signalant un piratage informatique, qui nous dévoile d'ores et déjà à quel genre de régime on aura affaire ; faites-y attention car elle prendra de l'importance par la suite. Le chapitre suivant est chiffré "0", et on y voit nos élèves partir en voyage de classe en bus, dans une ambiance joyeuse et tranquille, juste avant que l'enfer ne commence.
Chaque personnage voit son passé développé, ses sentiments brillamment décrits et partagés par le lecteur, qui immanquablement s'attache à eux, tout cela pour mieux le voir périr à la fin du chapitre. Certains entameront des manœuvres très intelligentes, auxquelles on s'accorde le droit de croire tout en en connaissant l'issue finalement inéluctable.
On ne s'ennuie à aucun moment, puisqu'on a droit à des sentiments, des pensées et des actions très diversifiées et parfaitement décrites. Même au cœur de l'action, une idée incongrue vient distraire le personnage ; qui l'écarte bien sûr immédiatement, mais quand même.
Personne ne meurt de la même façon, ni dans les mêmes circonstances. Entre les moments de répit, de calme et de repos, les moments doux dévoués aux dernières confidences, s'ajoutent les scènes de combats, d'agonies, les souvenirs, les regrets, la révolte et l'incompréhension.
On trouve aussi des positions politiques réfléchies : comment un pays a-t-il pu développer un régime fasciste totalitaire au point de développer un Programme d'une telle barbarie ? Comment en est-on venu à sacrifier des enfants à des fins militaires ? Pourquoi le peuple tolère-t-il cela ? Et pourtant, et c'est là le plus étonnant, Koushun Takami ne fait que reprendre les valeurs ancestrales japonaises ; mais il les exacerbe au possible et montre à quoi l'extrémisme peut mener.
Battle Royale est roman passionnant, beau, cruel, moche, au suspens indiscutable, qui prend le lecteur au trippes et les tord. A la fin de chaque chapitre, est recensé le nombre de survivants, rappelant sans cesse que le jeu se développe inexorablement.
A sa sortie au Japon,
Battle Royale a fait scandale, et défrayé les chroniques, avant de devenir l'un des plus grands best-sellers de l'édition nippone...
Ce roman est unique, original ; il ne repose sur rien et ne ressemble à rien. Indispensable.